La bohème
Incident
Le voyage
Le lycée
Noël blanc
L'orage
L'arrivée de Noël
Le temps
Le vent
Les enfants du malheur

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La bohème

Aller droit dans le vent, sans espoir et sans but,
Respirer le frais parfum de la liberté,
Et s'endormir au soir, fatigué, sous la nue,
En regardant le ciel et son éternité.

N'avoir pour idéal, dans l'âme et dans le coeur,
Que l'amour pour l'amour et la vie pour la vie,
Courir dans les sentiers, pleins d'oiseaux et de fleurs,
Pour cueillir au passage la caresse amie

D'un soleil radieux et filtré par les branches :
C'est ainsi qu'il faut vivre, amoureux des voyages,
Et le coeur en débâcle admirant la pervenche,

Souriant à l'azur et au vieux mendiant
Qui n'a plus de parents, qui n'a même plus d'âge
Et qui s'en va toujours, plus loin, au gé du vent.

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Incident

Quand j’étais chez ma grand-mère,
Elle m’envoya au château
Porter une soupière
Cont’nant la soupe aux poireaux.

Je chantais des airs nouveaux
Ne pensant qu’à m’amuser.
Arrivée près du château
J’ai buté et suis tombée.

J’ai renversé la bonne soupe.
J’ai eu peur d’être grondée.
J’lai pas r’gardée à la loupe,
J’l’ai tout d’suite nettoyée.

Ma grand-mère a rigolé
Quand je lui ai tout conté.
Elle m’a même embrassée
En disant : « C’est pardonné »

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Le voyage

Je refais ma valise avant d’avoir fini
De la débarrasser de mon dernier voyage.
Voyant sur mon chemin les maisons, les villages,
Les terriers et les nids, je rêve d’un abri,

D’un seul toit pour nous deux et d’un même voyage,
Celui de deux enfants gambadant dans la nuit,
Dans un désert de feu, sur un sable chéri
Sous la lune d’argent et un ciel sans nuages.

Où est-il cet endroit dévorant de soleil ?
Où sont-ils donc ces murs faits de fleurs et de rêves,
Moi j’espère arriver à ce lieu sans pareil.

Avec toi mon amour la route sera brève
Pour cueillir de nos mains les rayons du soleil.
D’autres avant nous l’ont fait : pense à Adam et Eve…

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Le lycée

A toi mon vieux lycée, je fais cette louange,
A toi qui m’as aimée sans amour en échange.

Je te voyais sinistre, monotone et froid
Alors que tu m’offrais des joies inespérées :
De charmantes amies, d’enivrantes soirées,
Même si elles furent tristes quelquefois…

Je ne t’ai pas aimé, toi qui étais si bon.
Toi qui m’as protégée pendant ces trois années,
Où, malgré mes nombreux écarts, tu m’as gardée,
Sans rien en retour… exempte de punition.

Je n’ai rien oublié, tu sais, de ta chaleur,
Ni de ta vie, de ta gaîté, de ta tendresse.
Il me reste de toi la divine caresse
D’un soleil qui cent fois a réchauffé mon cœur

Et brillait dans tes murs d’un feu plus rayonnant
Que celui qui, un jour, inonda de lumière
Mon ennui… et toujours à mon cœur sera chère
L’image de tes grands espaces verdoyants.

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Noël blanc

On ferme les volets.
La lune s’est levée
Dans la nuit étoilée.
Les enfants sont couchés.

On s’apprête à veiller
Quand, dans l’obscurité,
Le ciel s’est voilé
De gros flocons légers.

Dans le noir en silence
Doucement se balance
La neige dans le vent

Qui n’a pas l’espérance
D’avoir la jouissance
D’un vrai Noël tout blanc.

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L’orage

Un éclair a fendu le ciel chargé de pluie.
Il a craqué soudain, déchirant le silence.
Il a mis aux aguets une oreille endormie,
Faisant naître partout une inquiétude immense.

Quelques ronronnements, échos graves et sourds,
Ont répondu au loin à ce cri du tonnerre ;
L’air chaud est rafraichi par les nuages lourds
Qui ont crevé leur toile pour arroser la terre.

De derrière la nuée, un rayon de soleil
Déjà cherche à percer l’écran de voiles sombres.
Bientôt il apparaît, radieux et pareil,
A une étoile blanche au royaume des ombres.

L’orage est reparti, laissant le sol humide.
Il fut un tourbillon de fraîcheur et d’effroi.
Un timide arc-en-ciel colore l’espace vide.
Un arbre tout trempé secoue ses feuilles sur moi.

La tempête a cessé, faisant place au silence.
Le calme de nouveau est tombé sur la plaine.
Un chêne ruisselant doucement se balance.
La nuit qui descend sera douce et sereine.

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L’arrivée de Noël

Le ciel mystérieux,
D’un bleu de porcelaine,
Retient son haleine
Sur les toits silencieux.

Et les enfants heureux,
Rêvant à leur étrenne,
Dans cette nuit sereine
Ferment déjà les yeux.

Le sapin illumine
D’une lueur divine
La terre jusqu’au ciel.

Lentement s’achemine
Peu à peu se dessine
Le rêve de Noël.

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Le Temps

Le temps s’en va sur sa gondole
Et il nous berce sur les flots.
Le jour renaît toujours plus beau
Tandis qu’au loin la nuit s’envole.

Vivons heureux d’être vivants
Et profitons d’être des hommes !
Le temps s’écoule en emportant
Les tristes choses que nous sommes.

Pourquoi pleurer sur notre sort
Et pourquoi craindre la nature
Qui nous mène à la pourriture
Par la contrainte de la mort ?

Le temps « tyran de notre vie »
N’est ni cruel ni tant jaloux.
Il n’a ni but ni fantaisie
Il est le temps un point c’est tout.

Ne tenons pas pour responsable
De nos maux ce compagnon.
Qu’il coule en paix pour nous ; allons !
Cherchons nous un autre coupable.

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Le vent

Le vent est un enfant qui a peur et qui fuit
La voix de ses parents, accusé de mensonge.
Il a tort, il le sait ; mais il est trop petit
Pour connaître déjà le grand remord qui ronge

Et qui ronge toujours l’espèrance et la vie.
Il s’en va sans regrets et sans autre désir
Que celui de venger, déchaînant sa furie,
Une fierté blessée qui nie le repentir.

C’est pourquoi on le voit balayer de colère
Le flamboyant désert et les espaces froids
Et, sur les horizons de notre vaste terre,
Emplir les cœurs humains de tendresse ou d’effroi.

Il ne s’arrête pas ; il vainc tous les obstacles.
Il hurle et on l’entend au loin fouetter le ciel.
Autrefois il avait le don d’être un oracle.
Aujourd’hui il est un révolté éternel.

Mais toujours dans la nuit l’invincible adversaire,
Ivre de liberté, dévastera la terre.

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Les enfants du malheur

Les enfants du malheur à la peau desséchée,
Aux yeux vides de vie qui regardent le ciel
Mais qui ne le prient pas, d’une main accablée,
Dérobent aux abeilles une poignée de miel.

Douceur qu’ils ont payé au prix de leurs piqûres,
Ils n’en ont déjà plus quand leur bras enfle encor'.
Ils ont soif, ils convoitent un panier de fruits mûrs :
Un serpent qui dormait se réveille et les mord.

Tantôt inabordable et tantôt douloureux,
Un désir n’est jamais satisfait sans effort :
Le navire en périls dans le matin brumeux
Doit éviter l’écueil pour regagner le port.

Les enfants du malheur, à la peau desséchée
Qui souffrent atrocement pour un peu de plaisir
Ont eu pitié de moi, seule et abandonnée,
Et je pars avec eux plutôt que de mourir.

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