Premier jour :

Une dame de 60 ans qui s'est cassé le poignet pour la deuxième fois. La première fois elle avait eu des broches, cette fois, elle a des plaques et des vis. Son poignet enveloppé dans une serviette chaude, elle doit malaxer une balle de caoutchouc dans sa main.

Un monsieur de 50 ans, au travail, a plié une taule et sa main avec il y a un an. Résultat : section du tendon du majeur. Une première opération ratée, une deuxième qui lâche, une troisième qui raboute les bouts de tendon restants. Il a fabriqué lui-même sa table de torture : un gros élastique dont il règle la tension grâce à un ingénieux système de chevilles en bois qu'il peut déplacer dans les nombreux trous percés dans la table.

Une dame discrète marche en silence sur le tapis de marche.

Moi, avec mon entorse de 2 mois, je fais de la machine à coudre : mouvement du pédalier des anciennes machines à coudre sur une planche. Puis glace et remise en place d'un tendon du genou qui bloquait ma cheville. Si ! Si !


Deuxième jour :

Un monsieur de 40 ans a eu la jambe écrasée par un engin de chantier en janvier 2008. Blessures ouvertes et pied en compote. Un appareil spécial lui permet de faire tourner ou balancer son pied bien calé par des sangles en ajoutant des poids pour corser l'affaire.

Une petite fille bébé avec sa maman.

Moi, je fais de la machine à coudre et de la planche à voile : tenir en équilibre sur une planchette munie de 2 demi-lunes en guise de pied. Pas fastoche, surtout avec une cheville en piteuse état.


Troisième jour :

Personne d'autre dans la salle des tortures.

Je fais de la machine à coudre, de la planche à voile et 500 mètres à 1,5 km/heure sur le tapis de marche soit 20 minutes. Fastoche !


Quatrième jour :

Le monsieur dont la jambe a été écrasée par un engin de chantier est "à la glace".

Une jeune femme qui a été opérée du genou marche sur le tapis genou replié.

Un monsieur de 33 ans submergé en janvier par une vague gigantesque dans un mètre d'eau à la Guadeloupe stimule son épaule démise et fracturée en cours de rééducation à l'aide d'un appareil électrique.

Les babillages d'un bébé pas content dans une des nombreuses pièces du cabinet.

Moi, je fais de la planche à voile, 5 minutes de marche à 1,5 km/h et 15 mn à reculons à 0,5 km/h sur le pied gauche. Trop top : déséquilibre et douleur assurés !


Cinquième jour :

Que moi chez les éclopés : planche à voile, 300 m à 1,5 km/h sur le tapis de marche et 5 mn à reculons sur le pied malade à 0,5 km/h. Glace : cool et massage qui consiste à tortiller le pied dans tous les sens : ouïe ouïe. Heureusement, tout ça dans la bonne humeur. Cool.


Sixième jour :

Le monsieur du tendon sectionné avec sa table de torture fabriquée par lui-même.

Moi je refais de la planche à voile, de la marche à 1,5 km/h et à reculons à 0,5 km/h sur le pied malade. Glace pistache couleur de mes chaussettes, petit massage et pommade.


Septième jour :

Une jeune femme des îles opérée d'un genou qui fait de la planche à voile, plateau dans la longueur au lieu de la largeur comme moi.

Moi : planche à voile, marche avant et à reculons et nouveauté : un disque rond que j'appellerai la toupie sur lequel il faut tenir en équilibre sur le pied malade . Bobo.


Huitième jour :

Le monsieur de l'engin de chantier et sa jambe écrasée.

Un beau petit garçon de 1 an dans 2 jours et aux yeux bleus sur les genoux de sa maman.

Moi, comme la veille mais pas de pommade. Mon pied n'en a pas besoin : alors pourquoi j'ai mal là ?

Là, c'est l'arrachement osseux, il faut du temps. Rien à faire. OK.


Neuvième jour :

Le monsieur de la grande vague à la Martinique et son problème d'épaule.

Une cinquantenaire prénommée comme moi qui soigne un poignet.

La jeune femme opérée du genou qui est à la glace.

Un senior à qui on a remplacé une prothèse de hanche de 11 ans et qui monte une côte sur le tapis de marche après être resté alité pendant 1mois 1/2.

Moi, comme la veille mais avec pommade à ma demande. Elle est géniale cette pommade.


Dixième jour :

Un monsieur tunisien de 60 ans opéré de l'épaule suite à un accident de travail il y a 2 ans travaille avec le kiné.

Le monsieur de la grande vague aux Antilles fait des altères avec l'épaule malade. Bonne nouvelle, il vient d'apprendre que les tendons ne sont pas arrachés. Il se remettra beaucoup plus vite. Il y a actuellement à la Guadeloupe des vagues de 7 mètres qui l'attendent.

Le monsieur du tendon sectionné supplicie son majeur blessé sur sa table de torture digne du moyen-âge.

La jeune femme antillaise opérée du genou fait des équilibres sur la planche à voile. Elle sera bientôt prête pour lancer une nouvelle danse en boîte de nuit.

La dame silencieuse du tapis de marche du premier jour passe dans le couloir.

Moi, je fais de la planche à voile, de la toupie, de la marche en avant et en arrière sur un pied, glace, pommade et massage du pied tortillé dans tous les sens. Ouïe Ouïe Ouïe. Ca fait pas du bien.


Onzième jour :

Le monsieur à la jambe écrasée fait tourner son pied dans une machine.

La cinquantenaire prénommée comme moi a le poignet dans la glace.

La jeune femme du quatrième jour opérée du genou est enchantée de pouvoir marcher sur le tapis à 5 km/h.

Moi, comme d'hab mais dispensée de planche à voile. Compliments du kiné en me voyant reculer bravement sur le pied gauche sur le tapis de marche. Merci.

Exceptionnel un compliment, plutôt des reproches.
Qui ne tarderont pas d'ailleurs avec mon "air de lamentin échoué sur la plage".
"J'aimerais bien être réincarnée en lamentin : nager paisiblement dans les eaux tropicales".
"Bien sûr, une fonctionnaire" etc.

Faut pas changer une équipe qui gagne. Hi ! Hi !


Douzième jour :

Le monsieur tunisien attend son tour dans le couloir salle d'attente.

Moi, comme d'hab plus 10 minutes à 3 km/h sur le tapis de marche. Sympa.


Treizième jour :

Une grand-mère de 82 ans me propose l'unique chaise à côté d'elle dès mon entrée dans le cabinet pour me raconter sa longue vie de grand-mère de 82 ans. Rigolote et sympa la petite grand-mère.

Dans le même temps, un bébé invisible proteste dans une salle attenante, sans doute à la vue du kiné qui porte un masque pour s'occuper des bébés. De quoi les effrayer...

Moi, comme la veille. Jusqu'à 4,5 km/h sur le tapis de marche. Je l'avais bien fait la veille pendant une heure dans la campagne en chaussures de rando. Et je le referai l'après-midi même


Quatorzième jour :

Le monsieur à la jambe écrasée par un engin de chantier fait tourner son pied avec un poids.

Une factrice mise en miettes par un accident de voiture au travail il y a un an fait des équilibres derrière moi. Hasard : elle est de mon premier bureau et habite mon quartier.

Moi, équilibres et marche. Tentative de course à 7km/h sur le tapis par le kiné : ma cheville court bien mais pas mon souffle. Kiné surpris. Moi pas. Je sais que je n’ai jamais pu courir.


Quinzième jour :

Un monsieur de 40 ans opéré du tendon d’Achille suite accident de travail d’il y a 2 ans débute la machine à coudre.

Une dame d'une certain âge tombée la tête la première du haut d’un escalier à Noël dernier rééduque son poignet cassé après le bassin fracturé : soulever le bras tendu avec un bracelet de 500g.
Son mari qui l’accompagne montre sa belle cicatrice d’il y a 25 ans après s'être fendu le crâne en deux en tombant d'une échelle de 6m de haut.

La jeune femme des Antilles fait des équilibres pour son genou opéré.

Un bébé invisible remplit le couloir de ses protestations.

Un autre crie famine jusqu’à ce que sa maman l’allaite.

La dame silencieuse du premier jour entreprend la conversation en sortant des toilettes.

Moi, dernière séance dans la bonne humeur habituelle. Mon entorse va mieux. L'arrachement osseux non. Seul remède : le temps

Mais l'endroit étant plaisant et la carcasse d'une ménagère de plus de cinquante ans ne manquant pas d'usures diverses... je recommence... "la s'maine prochai-aine".

En route pour de nouvelles aventures !