"-Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D'Anunzio, Ambassadeur de France-tous ces voyous ne savent pas qui tu es !
Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là. Mais, alors que j'essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu'elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l'Armée de l'Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j'entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports :
-Alors, tu as honte de ta vieille mère ?"

L'auteur : Romain Gary

Romain Gary, né Roman Kacew en 1914, est élevé par sa mère qui place en lui de grandes espèrances, comme il le racontera dans La promesse de l’aube. Pauvre, « cosaque un peu tartare mâtiné juif », il arrive en France à l’âge de quatorze ans et s’installe avec sa mère à Nice. Après des études de droit, il s’engage dans l’aviation et rejoint le général De Gaulle en 1940.
Son premier roman, Education européenne, paraît avec succès en 1945 et révèle un grand conteur au style rude et poétique. La même année, il entre au Quay d’Orsay. Grâce à son métier de diplomate, il séjourne à Sofia, New-York, Los Angeles, La Paz. En 1948, il publie Le grand vestiaire, et reçoit le prix Goncourt en 1956 pour Les Racines du ciel.
Consul à Los Angeles, il quitte la diplomatie en 1960, écrit Les oiseaux vont mourir au Pérou (Gloire à nos illustres pionniers) et épouse l’actrice Jean Seberg en 1963. Il fait paraître un roman humoristique, Lady L., se lance dans de vastes sagas : La comédie américaine et Frère Océan, rédige des scénarios et réalise deux films.
Peu à peu les récits de Gary laissent percer son angoisse du déclin et de la vieillesse : Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, Claire de femme. Jean Seberg se donne la mort en 1979. En 1980 Romain Gary fait paraître son dernier roman, Les cerfs-volants avant de se suicider à Paris en décembre. Il laisse un document posthume où il révèle qu’il se dissimulait sous le nom de Emile Ajar, auteur d’ouvrages majeurs : Gros-Câlin, La vie devant soi, qui a reçu le prix Goncourt en 1975, Pseudo et L’angoisse du roi Salomon.